mercredi 7 décembre 2022
Il est une dimension rarement soulignée dans la vie de la Vierge Marie, qui est celle de son humilité avant même l’Annonciation- tout en étant l’Immaculée conception. . On souligne en effet classiquement l’humilité de sa réponse à l’ange lui annonçant qu’elle allait être mère du Sauveur. Et on a bien sûr raison. Mais on n’évoque pas ce qui précède : sa vie depuis sa naissance jusqu’à cette annonce. Or dans la perspective de l’lmmaculée conception, toute sa vie a été sans péché, avant comme après. Mais si après l’Annonciation elle pouvait été éclairée par cette annonce extraordinaire, ainsi que par l’expérience de la vie avec son fils Jésus, ce n’est pas le cas avant, puisque le récit même de l’Annonciation nous confirme sa surprise.
Nous avons donc avant cette annonce une personne, enfant et jeune adulte, qui ne pèche pas mais qui n’a apparemment reçu aucun message éclairant cette situation exceptionnelle. Or à moins de supposer que Marie était inconsciente ou irréfléchie, elle ne pouvait pas ne pas avoir constaté, au moins par un simple effet d’étonnement, qu’elle se distinguait sur ce plan profondément de toutes les personnes qu’elle pouvait connaître et rencontrer, même saintes comme ses parents Anne et Joachim. Lesquels d’ailleurs ne pouvaient pas non plus ne pas se faire la même observation. Et même s’il n’en ont pas parlé avec Marie, ils ne pouvaient pas avoir avec elle le même rapport qu’ils auraient eu avec n’importe quelle autre personne. Pouvait -elle ne pas observer la spécificité de cette situation, tant en elle-même, que par rapport à ses parents et tous ceux qu’elle côtoyait ?
C’est ici qu’apparaît la dimension la plus importante dans cette absence de péché : l’absence de toute péché d’orgueil ou de vanité. Car si on constate qu’on est en tout point exemplaire, comme ne pas en déduire qu’on est quelqu’un d’exceptionnel ? Et donc de supérieur à toute autre personne ? Et donc concevoir une forme de fierté, à la mesure de cette exceptionnalité même, confirmée par l’observation quotidienne ?
Par ailleurs, chacun de nous est si on peut dire équipé d’un ressort de rappel contre toute forme de fierté, qui est précisément notre péché : chacun de nous commet des actes médiocres ou mauvais qu’il ne peut pas ne pas voir et qui ne sont pas cohérents avec l’image positive que nous aimons ou aimerions avoir de nous. Bien sûr on peut les occulter, essayer de les dissimuler à notre conscience ; mais au fond de nous nous savons qu’ils sont là. Mais à côté de leur tristesse, ils ont un côté positif, qui est précisément de nous rappeler ce que nous sommes, nos limites et nos faiblesses - ce qui idéalement nous ramène à une attitude d’humilité et de demande par rapport à Dieu, à reconnaître notre dépendance à son égard.
Rien de tel chez la Vierge Marie. Bien au contraire, la simple réflexion sur ce que son comportement quotidien avait d’exceptionnel pouvait naturellement la conduire à en déduire qu’elle était elle-même quelqu’un d’exceptionnel, quelqu’un qui avait en elle-même quelque chose échappant complétement à la condition commune. Ce qui du point de vue de l’idée d’Immaculée conception, n’était pas si faux. Sauf que bien sûr ce qui fait le sens profond de cette idée, c’est qu’elle est un don entièrement gratuit de Dieu.
Apparait alors ce qui est sans doute le plus grand mérite de Marie. A côté du fait que, dans les milliers de fois où elle pouvait pécher, même de façon apparemment bénigne, elle ne l’a pas fait, le trait peut-être majeur est qu’elle ne s’en est pas attribué le mérite, et qu’elle y a reconnu le don de Dieu. Sinon bien sûr elle serait entrée dans la zone d’une forme ou d’une autre de fierté de la créature, qui s’attribue ses richesses et ses vertus comme si elle en était à l’origine.
On est par là conduit à interpréter l’idée d’Immaculée conception d’abord et surtout comme une absence intrinsèque de toute forme de coupure par rapport à Dieu, une ouverture à sa grâce telle que le péché, toujours théoriquement possible, n’est jamais choisi dans les faits. Adam et Eve aussi n’avaient pas le péché originel, par construction. Mais ils ont péché ; ils ont détourné vers eux les dons de la création. Marie ne l’a pas fait : mais comme on l’a dit, c’était déjà le cas avant même qu’elle ait eu la moindre information sur le rôle qui était attendu d’elle. Ce ne peut donc pas être expliqué par ce rôle : c’était donc chez elle un acte totalement gratuit. Par-là, c’est un signe totalement extraordinaire, et humainement inexplicable. Mais un acte qui en revanche éclaire sa réponse à l’ange : lorsque celui-ci lui annonce non seulement un rôle dépassant infiniment la condition humaine, et a fortiori tous les projets qu’elle avait pu avoir auparavant, elle l’accepte humblement en s’en remettant à la volonté divine : qu’il me soit fait selon votre parole.
Il y a donc là si on y réfléchit un message extraordinaire sur la nature humaine : l’une d’entre nous a pu, par son ouverture à la grâce dont elle était comblée, non seulement ne jamais pécher alors qu’elle menait apparemment une vie humaine ordinaire, sans destin particulier, mais surtout le faire précisément par une ouverture totale à Dieu et à sa grâce. De ce fait, elle nous envoie un message puissant, alors même que nous sommes dans une situation différente ; car elle nous éclaire sur ce que peut être un être humain, au moins un : elle nous montre dans sa plénitude ce que peut être la sainteté, pleinement réalisée dans son cas et non pas perspective asymptotique.
Méditons donc la vie de Marie, non seulement cette partie que nous connaissons tous, avec Jésus à Nazareth puis au Calvaire, mais aussi en amont, celle de la jeune Marie, pure et humble, avant même qu’elle ait pu avoir toute idée de ce que signifiait cette pureté et humilité exceptionnelles dans le dessein de Dieu.
Repris sous forme réduite par Une Minute avec Marie du 29 mars 2023 : https://www.uneminuteavecmarie.com/... Site : https://www.mariedenazareth.com/une... .
Publication sous forme modifiée par La Nef https://lanef.net/2023/04/13/lhumil...