mercredi 27 juillet 2016
Chaque jour nous apporte un nouveau cas de terrorisme, d’assassinat lâche de personnes innocentes vaquant aux occupations normales de la vie. Aujourd’hui c’est un vieux prêtre disant sa messe… La grande majorité d’entre eux se fait au nom de l’islamisme. Certes, rarement aujourd’hui, cela a pu être une autre idéologie (le seul cas récent est Breivik en Norvège, mais c’était un solitaire). Enfin certains, assez rares, sont le fait d’individus isolés peu motivés idéologiquement (ainsi le Japonais qui a assassiné près d’une vingtaine d’handicapés). D’où la tendance de notre système dominant, relayé par les médias, à nous expliquer que le terrorisme de façon générale est une pure pathologie, et que l’idéologie dont il se réclame n’y joue pas un rôle essentiel. Et de gloser sur le profil plus ou moins fragile psychologiquement de tels ou tels de ces personnages.
Une telle analyse est fausse et dangereuse.
Fausse parce que dans le cas de la grande majorité de ces terroristes, l’idéologie dont ils se réclament a été décisive dans leur passage à l’acte et dans ses modalités. C’est une chose de mal se sentir dans sa peau ou d’en vouloir à la société où on se trouve. C’en est une tout autre de se procurer des kalachnikovs pour mitrailler une foule, ou de foncer dessus dans un camion lancé à pleine vitesse, loué au préalable dans ce but. Une partie appréciable de ces terroristes ne montre d’abord pas de pathologie. Quant à ceux qui ont des signes de fragilité ou de risque, on ne peut pas analyser leur pathologie sans évoquer le contexte socioculturel dans lequel ils la développent et l’expriment, les mots et références que leur fournit cette idéologie qui est leur référence centrale, qui les encourage, donne forme à leur inquiétude, et les oriente dans l’action. En d’autres termes, une personne humaine ne devient ce qu’elle est, dans ses idées, ses sentiments et son comportement, en dehors d’un cadre culturel qui l’oriente et la canalise. Si c’est une idéologie meurtrière ou antisociale, elle les pousse à l’acte.
Dangereuse parce que cela ne permet pas de lutter efficacement contre la cause principale du mal. L’islamisme n’est évidemment pas la seule idéologie qui a nourri une action terroriste. Sans remonter aux assassins anarchistes, on se rappelle les méthodes régulièrement violentes d’une partie appréciable des mouvements communistes et notamment gauchistes, encore relativement récemment en Allemagne et en Italie. Ou, en leur temps, de fascismes divers. Ou de la Terreur en France. Ou du FLN. Mais à notre époque l’islamisme occupe indéniablement une place toute particulière. Et il se nourrit d’une base extrêmement large, l’Islam.
Il faut prendre la mesure de l’abjection qu’est le terrorisme. C’est par nature une idéologie destructrice de la vie commune. On prétend qu’il rentre dans la catégorie générale de la guerre car il s’agit pour le terroriste de forcer la volonté de l’ennemi, d’utiliser la violence pour lui imposer une certaine conduite. Mais c’est un moyen de lutte particulièrement pervers, non seulement dans ses moyens, mais en regard des buts qu’il affiche. En principe, tous les actes de violence ont pour objectif une situation de paix, quoique sur des bases différentes de la situation antérieure. Or le terrorisme est un moyen de lutte particulièrement inefficace pour parvenir à la paix. En effet, son principe est d’utiliser les apparences de la paix pour commettre un acte violent, justifié comme acte de guerre. Par définition, il se situe dans le contexte de la vie civile, qu’il renverse : des gens prennent tranquillement un bus, qui explose, ou se font assassiner dans un café. La situation qu’exploite le terroriste est la définition même de ce qu’on appelle la paix, c’est la confiance mutuelle, le fait qu’on ne se menace pas physiquement les uns les autres. Cette confiance relative peut d’ailleurs se maintenir dans une certaine mesure même en cas de guerre classique : un soldat en armes dit clairement ce qu’il est. Mais un terroriste, lui, utilise des signes de civilité, conduisant à lui faire confiance, pour accomplir des actes de violence. Quel peut en être le résultat, sinon une méfiance généralisée ; l’idée que des gens sont par nature non fiables, quels que soient les signes de paix qu’ils donnent ? En d’autres termes, le terroriste détruit ce qui est le fondement premier de la paix : la possibilité de faire comprendre à l’autre qu’on ne le menace pas. En cela le terrorisme est corrupteur et profondément pervers.
Pourrait-il être justifié dans certains cas ? Dans la tradition classique, pour qualifier une guerre de juste, on avance la présence concomitante d’une situation manifestement injuste ; de l’impossibilité de changer les choses par d’autres moyens ; et de la conviction que, de ce fait la situation ne sera pas ensuite pire qu’elle ne l’était. Ce dernier critère au moins invalide le terrorisme dans la quasi-totalité des cas. En effet, le résultat qu’il obtient est dévastateur, puisqu’il aboutit à la rupture de ce qui fonde toute vie en société. Tout au plus devrait-il donc se limiter à très peu d’actes symboliques. Mais ce n’est pas ce qui se passe, car ils ne suffisent pas à changer les rapports de force ; il faut pour cela une action prolongée et généralisée. Mais alors le terrorisme est entraîné par sa propre logique. Pire, il l’élargit dans la subversion - voire une alliance généralisée avec le banditisme. Rupture du lien social, il ne se protège pas facilement de la tentation mafieuse, l’autre forme possible de cette rupture. C’est donc par nature un facteur majeur de désordre, et une menace grave pour la paix.
Il faut donc éradiquer les idéologies conduisant au terrorisme. Parmi celles-ci, l’islamisme. Comment alors éradiquer l’islamisme ? Pas par les seuls moyens de la police. Mais en désignant clairement ce courant de pensée comme socialement destructeur, à l’égal du nazisme (et du communisme révolutionnaire). Interdiction des lieux de rencontre et supports correspondants et des financements étrangers (saoudiens, qataris et autre etc.), expulsion des intéressés etc. La liste a déjà été faite, encore faut-il passer aux actes.
Mais c’est loin de suffire, car l’islamisme s’enracine dans une lecture de l’Islam qui est non seulement possible, mais en fait tout à fait fidèle à la lecture historique dominante du Coran, à une pratique musulmane ancienne, dominante et honorée en Islam, comme au modèle de la vie du prophète. Car contrairement à ce que disent nos responsables ecclésiastiques, il y a un abîme entre ce personnage violent, libidineux et vindicatif, et le Christ ; ou entre la conquête violente par l’Islam des origines d’une espace allant de Lisbonne à l’Asie centrale, et le christianisme se répandant paisiblement dans l’espace romain malgré les persécutions. Les références fondatrices des deux religions sont inverses l’une de l’autre. Et donc c’est l’Islam qui doit être sommé de se réformer radicalement, sauf à être complice de ces assassins. Bien sûr il y a un très grand nombre de musulmans que ces atrocités révulsent ; mais alors il ne suffit pas de lancer des communiqués : qu’ils balayent devant leur porte et fassent le ménage, non seulement dans leurs rangs, mais dans leurs références. Refuser l’amalgame entre l’islamisme et les personnes musulmanes est indispensable. Mais l’ambigüité radicale de l’Islam tel qu’il s’enseigne lui-même doit être dénoncée, et le risque que représente ses idées de violence obsessionnelles, encore plus dangereuses lorsque ce sont des braves gens, des porteurs sains qui les véhiculent, à la merci de l’excité ou du psychopathe qui prendra à la lettre ce message cruel et arrogant.