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La politique familiale est nécessaire, mais elle ne suffit pas pour redresser la démographie


mardi 18 juin 2024









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Une politique familiale est nécessaire, avant toute considération nataliste. Faire et élever des enfants est une tâche majeure, car cela construit l’avenir de la société dans ce qu’il a d’essentiel. Celle-ci ne peut donc qu’y porter une grande attention, même si c’est d’abord de la responsabilité des familles.

Les évaluations du travail domestique, gratuit, montrent qu’il représente une activité considérable : même sur la base d’une valorisation faible de l’heure passée (au SMIC) elles conduisent à un tiers du PIB ou plus. Or cette activité n’est pas assurée de façon comparable par tous : certains ont plusieurs enfants et y passent du temps ; d’autres au contraire n’en ont pas ou un.

Dès lors, en termes de simple justice, et a fortiori au vu des enjeux pour l’avenir, une politique familiale est indispensable. Au-delà de dispositifs fiscaux comme le quotient familial, reflétant une plus faible capacité contributive, la question est d’un niveau d’allocations familiales aidant efficacement tout foyer élevant des enfants. Voire d’un véritable salaire familial.

Est-ce à dire qu’une telle politique suffise pour redresser la natalité ? Ou, que le recul marqué de ces prestations en France soit la cause principale de l’effondrement de notre natalité ? Les faits paraissent ne pas aller dans ce sens.

Un article récent du Financial Times (John Burn-Murdoch, 29 mars 2024) estime qu’entre 1980 et 2019, les pays développés (OCDE) ont presque triplé leurs dépenses réelles (en dollars constants par tête) en allocations familiales et autres. Mais dans le même temps, leur fécondité a baissé de 1,85 à 1,53 par femme, de façon régulière et forte depuis 15 ans. Les graphiques par pays le montrent : partout des dépenses plutôt en hausse ou stables (sauf légère baisse récente en France et au Royaume Uni), mais des fécondités en baisse, parfois forte même quand les aides augmentent nettement (Corée, Finlande, Canada). Quant aux corrélations entre aides et natalité, elles sont certes positives, mais pas très fortes, avec une forte dispersion.

Ce qui montre que d’autres facteurs sont à l’œuvre : des systèmes de valeurs et des comportements collectifs.

Parmi ceux-ci, l’importance désormais vitale du coût de l’éducation, désormais élevé en argent mais aussi en temps, même si c’est moins net en France. Ce qui peut être dissuasif. Selon une étude citée, « en 1965, les mères de jeunes enfants dans les pays développés consacraient en moyenne un peu plus d’une heure par jour à des activités avec leurs enfants. En 2018, c’était passé à trois heures, et en Corée, à près de quatre » (le taux de fécondité y a chuté à 0,72), tandis qu’en France, où ce temps est plus faible et a plutôt baissé (2 heures) le taux de natalité a mieux résisté.

Le deuxième facteur est l’évolution des priorités. « En 1993, 61 % des Américains disaient qu’avoir des enfants était important pour une vie épanouie », aujourd’hui c’est 26 %. On note aussi la baisse de la part des jeunes adultes vivant en couple. S’y ajoute l’inquiétude croissante pour l’avenir, notamment pour des motifs écologiques.

Comment expliquer cela ? C’est d’abord l’hédonisme ambiant, la préférence pour des alternatives moins engageantes que des enfants, et jugées plus gratifiantes. Mais au fond cela reflète l’orientation globale de la société. Comme je l’ai montré ailleurs [1], toute personne a deux responsabilités majeures à assurer dans la société : son rôle professionnel, et sa vie familiale. Entre 25 et 35 ans la famille devrait être une priorité, personnelle et collective, sans nuire à la perspective professionnelle - notamment pour les jeunes femmes. Ce que nos sociétés refusent de voir et d’organiser. Et de corriger la pression de la compétition scolaire par une pédagogie orientée vers le développement personnel et social et donc la culture.

S’y ajoute plus profondément un facteur spirituel. Pour donner un sens à sa vie, croire en un avenir malgré les peurs, on a besoin de se relier en une réalité supérieure, source de confiance et de motivation, qui offre une perspective essentielle au-delà de l’immédiat. Or, outre la perte de la foi, ce qui caractérise nos sociétés est un nihilisme latent, d’où le recul du patriotisme et du sens de la société, et une pédagogie qui n’est plus tournée vers la transmission d’une culture. Et donc pas vers l’avenir. Le ressort a largement disparu.

(Article paru dans La Nef)


















































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