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Crise de la dette : le laboratoire grec ou la descente aux enfers


mercredi 30 mai 2012









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Les évènements de Grèce retiennent l’attention des investisseurs de la planète. Sortie ou pas sortie, tout montre que nous allons au devant d’évènements dont la portée dépasse largement l’enjeu de ce pays. De l’inédit en perspective... dans la douleur.

On sait le dilemme que pose un ajustement économique et financier dans une zone monétaire comme la zone euro : la ressource de la dévaluation n’est pas disponible, qui suppose qu’on ait sa propre monnaie, pas plus que celle de la planche à billet - qui suppose une banque centrale aux ordres. C’est d’autant plus compliqué que cet ajustement porte sur deux déséquilibres : celui bien connu des finances publiques, aggravé par le poids énorme de dettes accumulées ; et celui moins familier des comptes extérieurs, du manque de compétitivité, qui entraîne un excès d’importations sur les exportations, qu’il faut bien financer par l’emprunt. Et notamment l’emprunt public, ce qui renvoie à la question précédente. A cela s’ajoute le fait que les banques de ces pays sont tellement bourrées de papier de leur Etat que leur sort est lié à celui de ce dernier.

Deux voies sont alors possibles.

La première est la déflation. Réduire les salaires et les dépenses publiques diminue le pouvoir d’achat, comme une dévaluation, et permet donc en principe un ajustement, tant des déficits publics que de la compétitivité. Mais bien évidemment c’est une méthode violente et socialement disruptive. Il n’est pas du tout prouvé que cela soit compatible avec un équilibre démocratique, surtout sur la durée.

Pour atténuer ce choc, deux voies sont possibles. L’une, que j’ai proposée l’an dernier, a été appliquée en partie à la Grèce, c’est la réduction des dettes ; les créanciers privés de l’Etat grec ont dû abandonner plus de 70 % de leurs créances. Restent toutefois les créanciers publics, les autres européens. Il est probable qu’ils devront, au moins de fait, renoncer eux aussi à leurs créances, au moins une grande partie. Sans doute nécessaire, cela n’est pas suffisant, car restera le double déficit des comptes publics (déficitaire avant tout paiement de dette) et des paiements extérieurs. La réduction de dette atténue donc sensiblement la déflation, mais celle-ci reste lourde. L’autre voie est une aide accrue. Mais une aide à crédit ne résout pas la question ; et donc pas des euro-obligations si elles sont re-prêtées aux Grecs. Il faudrait donc des transferts massifs, sur la base d’une intégration fédéraliste volontariste. J’ai déjà indiqué mon scepticisme sur une telle solution. Et même si elle était approuvée par l’Allemagne et par les autres, et possible, elle prendrait du temps. En outre, l’exemple de l’ex-RDA et du Mezzogiorno le montrent, elle devrait durer indéfiniment, sans pour autant créer une économie compétitive. Non seulement c’est impraticable, mais moralement ce n’est pas satisfaisant.

Une formule plus modeste est l’activation de fonds européens, de la BEI etc. Certainement bienvenue, elle n’est pas à la hauteur de la question des équilibres centraux de ces pays. Quand enfin à une action de relance macroéconomique, et d’abord en Allemagne, en supposant qu’elle l’accepte, cela profiterait assez peu aux économies à genoux du Sud de l’Europe, sauf peut-être à l’Italie.

Restent les voies non conventionnelles. On parle beaucoup de la sortie de la zone euro. C’est certainement une possibilité. Mais elle serait difficile à réaliser sans casse car une fuite massive de capitaux l’accompagnerait, surtout en Grèce qui n’a pas l’équipement administratif pour exécuter un contrôle des paiements efficace. En outre elle serait très impopulaire dans ce pays même car elle réduirait massivement la valeur des actifs libellés actuellement en euros, ce qui toucherait une grande partie de la population. Ce ne peut donc être qu’une solution quasi désespérée – ce qui d’ailleurs ne l’exclut pas. Remarquons que si cela devait être le cas il faudrait les aider dans ce processus, tant pour des raisons de solidarité que par sagesse.

Mais en amont de ce cas il me semble qu’un gouvernement acculé, grec d’abord, pourrait vouloir explorer d’autres voies non conventionnelles, résultant notamment des bizarreries de la zone euro. Par exemple, profiter du fait qu’il a toujours une banque centrale, fonctionnant en euro, pour pratiquer des mesures contrevenant sans doute à l’esprit ou à la lettre des règles européennes, mais qui peuvent s’avérer difficile à contrer. Car rien ne distingue un euro fabriqué en Grèce d’un euro allemand ou français. On peut imaginer par exemple des financements aux banques, à l’Etat, de la création monétaire etc. plus ou moins sauvages. De telles hypothèses seraient à expertiser, non en termes juridiques, mais factuellement : que peut-on en effet vraiment empêcher du dehors, face à des gens décidés ? Dit autrement : que peut-on empêcher sans mettre ce pays au ban de l’Europe ? Mise au ban qui précipiterait sa sortie, au moins de la zone euro. La question mérite examen.

Quoi qu’il en soit, on peut escompter une période grise pendant laquelle le gouvernement grec issu des urnes va tenter de louvoyer entre la sortie pure de la zone euro, qu’il ne peut sans doute pas assumer d’emblée, et une déflation dure, politiquement très difficile à tolérer. Dès lors, sauf dans l’hypothèse, possible mais pas la plus vraisemblable, où il parviendrait à faire avaler celle-ci à la population (mais cela devrait durer des années et remettrait en question tout le circuit sociopolitique), le résultat du louvoiement va être une succession de défaillances diverses - mêlées à des actes désacralisant sans précédent, du type de ceux évoqués ci-dessus. Et dans ce cas, sauf à ce que les autres Européens organisent un flux durable de ressources sans contrepartie, la sortie de la zone pourra finir par s’imposer comme incontournable.

Ce qui est vrai de la Grèce pourra en outre valoir pour d’autres…

Paru également sur le site de Liberté Politique


















































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