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Des saints dans l’activité économique ?


vendredi 28 juillet 2023









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Des saints dans l’activité économique ? J’ai souligné à plusieurs reprises l’affinité surprenante qui existait entre le christianisme et le champ d’activité économique : perceptible dès les Evangiles qui utilisent massivement des arguments tirés du champ économique pour illustrer ses enseignements (ce qu’aucun autre texte religieux ne fait), puis dans le rôle massif de la pensée scolastique médiévale dans la nuisance de la réflexion économique, et jusqu’à plus récemment la Doctrine sociale de l’Eglise, sans équivalent ailleurs.

Ce qui souligne par contraste le très faible nombre et les limites des modèles offerts par la tradition chrétienne aux personnes actives dans la vie économique. Notamment, il n’existe pratiquement pas de saint (reconnu par l’Eglise) ayant eu une activité économique au sens moderne, et canonisé comme tel. Le seul qui correspond véritablement à la description est un marchand médiéval, Homebon de Crémone (1) (Omobono Tucenghi). Un personnage intéressant, un vrai entrepreneur, réussissant semble-t-il dans ses affaires (à mi-chemin à l’époque entre le commerce et la finance), mort pauvre en 1197 non par défaut dans ses affaires, mais parce qu’il donnait beaucoup, notamment aux pauvres. Ce qui d’ailleurs ne plaisait pas toujours à son entourage, sa femme notamment. A sa mort, le peuple de Crémone, et l’évêque Sicard, convaincus de sa sainteté, ont immédiatement demandé sa canonisation, ce qui a été accordé presque immédiatement par le grand pape Innocent III (le même qui a reconnu saint François d’Assise). Mais il est resté surtout connu en Italie. Hors d’Italie, entre autres, une confrérie de négociants s’est créée à Lyon au XVIIe sous la protection de saint Hommebon, approuvée par une bulle de 1668, avec indulgences.

Le 24 juin 1997 saint Jean-Paul II évoquait cette figure dans une lettre à l’évêque de Crémone, Mgr Nicolini, qui avait décidé dans son diocèse une année Omobono (Hommebon) : https://www.vatican.va/content/john.... Le pape soulignait qu’il était, en dehors des martyrs, le premier chrétien canonisé qui ne soit ni membre du clergé, ni de famille royale ou princière. Et il rappelait que la vie de ce saint était parlante pour notre temps, car il avait vécu l’Evangile dans son activité économique, à une époque de changements économiques et sociaux majeurs.

Il le donnait en outre comme exemple de sainteté pouvant être atteinte par tous. De fait, cet exemple est de loin le premier de la canonisation d’un chrétien non-martyr ayant vécu une vie ordinaire dans le monde. Et il n’est pas inintéressant de souligner que c’était un entrepreneur, et en un sens un homme d’argent. Même si les textes de l’époque soulignaient la difficulté de parvenir à la sainteté en exerçant ces activités, ils montraient aussi, en utilisant cet exemple, que précisément c’est possible.

Ce qui est étonnant, c’est que ce premier et admirable exemple n’ait pas été suivi, du moins en termes de canonisation. Sauf erreur, je ne connais pas d’exemple comparable depuis. Ce qui contraste avec les politiques (et les princes), qui sont eux très nombreux. Bien entendu, on peut facilement citer des saints qui ont été économiquement actifs ; mais leur sainteté ne s’y relie pas directement. Le meilleur exemple en est saint Joseph, artisan (et Jésus avant sa vie publique). Mais ce sont des cas très particuliers, qui dépassent infiniment la seule perspective économique. Et pour d’autres la vie économique apparaît comme accessoire et périphérique.

Dit autrement, l’Eglise ne nous propose pas (à ma connaissance) d’autre modèle d’une personne ordinaire qui s’est sanctifiée en accomplissant une tâche typique de l’économie au sens actuel du terme, et plus particulièrement d’un entrepreneur, un commerçant ou un financier. Or comme on l’a dit dès cette époque, et a fortiori dans la période récente avec Vatican II, il est possible de se sanctifier dans toute position. D’autre part, l’époque en a besoin.

Appel à candidatures…

(1) Paul J. Voss Saint Omobono of Cremona Merchant on Page and Stage, Journal of Markets and Morality Volume 21, Nr 2 (Fall 2018) pp. 331 sqq. Jean-Marie-Sauveur Gorini Les Saints Marchands : Saint Hommebon etc. Valence Mar Aurel 1857. Réimprimé sans date.


















































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