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Dette publique et planche à billet


lundi 4 mars 2019









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C’est comme le chiendent : vous pouvez l’arracher tant que vous voulez, cela repousse par-dessous.

Je parle de cette idée farfelue qui réapparaît régulièrement sur Internet, selon laquelle avant 1973 l’Etat pouvait être en déficit tant qu’il voulait, la Banque de France le finançait à volonté par des avances gratuites. C’est ce qu’on appelle un rêve éveillé.

Il est évident pour quiconque a ouvert un livre d’histoire qu’il n’y a jamais eu d’époque magique où l’Etat pouvait dépenser ce qu’il voulait, la banque centrale créant obligeamment et sans inconvénient de la monnaie pour couvrir le déficit en résultant. Autrefois il y avait une monnaie objective, métallique, et les Etats monarchiques empruntaient auprès des banques pour financer leurs guerres. Ils trichaient à l’occasion sur le contenu or de la monnaie mais marginalement, et les théologiens comme Nicolas Oresme tonnaient avec raison, soulignant que c’était du vol. Au XIXe avec le franc-or, quand l’Etat était en déficit il empruntait auprès du public et cela s’appelait la rente. Elle était très confortable pour les souscripteurs (taux réel de 4 à 5 %, bien plus qu’aujourd’hui). Puis il y a eu le dérapage des deux guerres et la planche à billet. Résultat : une inflation démentielle. Encore dans les années 60 et 70 la Banque de France faisait en effet des avances de trésorerie à l’Etat, mais limitées, le reste était financé par emprunt public.

Le nouveau système mis en place depuis 1983 à l’imitation des Etats-Unis a été salué avec joie par les politiques, car il permet au gouvernement d’émettre au fil de l’eau auprès des marchés. Ce faisant il évite le pathos humiliant des grands emprunts type Pinay, et surtout il réduit fortement les taux pratiqués. Le marché financier est en effet bien moins cher que l’emprunt public. Aujourd’hui quels individus sensés prêteraient à l’Etat français à 1 % sur 30 ans ? Or le marché le fait. Et donc le défaut du système actuel est exactement l’inverse de ce qu’on dit sur Internet : il donne aux irresponsables qui gouvernent depuis 40 ans la faculté de dépenser bien au-delà du raisonnable. Encore plus avec l’euro, monnaie forte dont les taux d’intérêt sont bas.

Le fait de base est que sauf drame comme les guerres (et donc besoin massif d’un coup) la dette publique est intrinsèquement mauvaise, car les déficits qui en sont à l’origine ne financent en général pas des investissements, qui génèrent un produit et permettent donc à terme leur remboursement, mais des dépenses courantes, qui sont simplement reportées sur les générations futures.

Et croire qu’on économise en empruntant à la banque centrale, c’est absurde : si elle ne facture pas d’intérêt à l’Etat, son bénéfice est réduit d’autant et donc son dividende annuel à l’Etat, qui est son seul actionnaire. En revanche si un déficit public est financé par de la création monétaire, c’est-à-dire la planche à billet sans contrepartie dans l’économie réelle, l’inflation elle est garantie. Et donc la ruine des plus pauvres (les riches eux savent se protéger, car ils détiennent des actifs réels qui s’apprécient).

Quant à ceux qui croient qu’après être sortis de l’euro on peut répudier notre gigantesque dette publique, désormais égale à quasiment 100% de production (PNB),nils rêvent encore plus. Phantasmer sur les évolutions depuis 1973 n’empêchera pas la dette existante d’être bien réelle, et juridiquement exigible selon tous les critères disponibles. Si vous ne la payez pas vous êtes en défaut. Demandez aux Grecs ce qu’ils en pensent.

Article paru dans France Catholique n° 3622 du 1er mars 2019.


















































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